États Généraux du numérique #2 : Primauté des plateformes logicielles

Publié le 26 octobre 2020 par Laure - Modifié le 30 janvier 2024 à 16H55

Quels sont les outils qui ont permis d’assurer la continuité scolaire durant le confinement ? D’après une étude récente du réseau Canopé, les enseignants et les élèves se sont tournés prioritairement vers les plateformes GAFA, mais aussi les ENT et des services de type visioconférence et outils collaboratifs, qu’ils soient proposés par le CNED voire fournis par des opérateurs tiers.

Concernant les ENT, le seul dispositif "Mon bureau numérique", déployé dans tout le Grand Est à partir de notre solution Skolengo a généré une consultation de 210 millions de pages vues, en mode authentifié, sur un mois. L’ENT s’est ainsi classé 5ème dans la hiérarchie des sites web grand public les plus consultés en France. Près de 40% des enseignants des académies de Reims, Nancy et Strasbourg étaient connectés simultanément sur notre plateforme !
 

EGN 2 - Primauté des plateformes logicielles
EGN 2 - Primauté des plateformes logicielles

De la nécessité d'un changement de paradigme

On voit donc l’importance cruciale qu’il y a de disposer aujourd’hui de plateformes logicielles performantes lors des périodes d’empêchement scolaire. Même de façon moindre, ce besoin perdure une fois les établissements ré-ouverts. Outre le fait qu’ils peuvent à tout moment être confrontés à de nouvelles fermetures, les établissements ne peuvent plus aujourd’hui fonctionner sans ces outils que ce soit pour leurs besoins pédagogiques ou administratifs. L’évolution probable de la forme scolaire avec la montée en puissance des dispositifs hybrides amplifiera encore le besoin.

De toute évidence, les plateformes logicielles ont constitué et constituent de fait la clé de voûte du numérique éducatif en tant que point d’entrée privilégié aux services comme aux ressources, accessibles à tout moment, de n’importe où et depuis n’importe quel terminal (concept ATAWAD anytime, anywhere, any device ou mobiquité pour "mobilité" et "ubiquité"). La primauté de ce type de plateformes logicielles est d’ailleurs une tendance lourde de l’informatique actuelle où ce secteur pèse entre 15% à 20% des achats informatiques mondiaux. Les Etats-Unis ont bien compris ces enjeux depuis longtemps et ont construit autour des plateformes GAFA une industrie dominatrice qui préemptent nos pépites du secteur en les rachetant dès qu’elles émergent…
 

Réorientation des politiques d'investissement et adaptation organisationnelle de la gouvernance

Or, le financement des logiciels dans les budgets publics reste marginal au regard du coût global du numérique éducatif dans les établissements. Différentes études (cf. le Livre blanc de Klee group pour l’Assemblée des départements) tendraient à le situer aux alentours des 3 % du budget global informatique. Il s’agit donc aujourd’hui d’opérer un véritable changement de paradigme pour faire en sorte que ces plateformes fassent l’objet de financements conséquents et pérennes.

Au-delà de la nécessité d’un rééquilibrage stratégique des investissements au profit du logiciel, c’est la gouvernance même des projets territoriaux portant sur le numérique éducatif qui mérite d’être réinterrogée. Cette gouvernance devra s’adapter aux nouveaux enjeux sur le plan de son organisation, de ses processus d’achat et de sa stratégie sur le cycle de vie des projets qui doivent s’installer dans la durée.

Pour le dire en deux mots et de façon triviale, « on ne change pas de plateforme logicielle comme on change d’ordinateur ». Un ERP en entreprise comme un ENT en établissement, ont un impact important sur l’organisation et les métiers. Le choix initial d’une plateforme doit donc être mûrement réfléchi et accompagné. Il ne s’agit pas ensuite d’être prisonnier d’une solution mais de bien mesurer l’impact financier et organisationnel d’un changement de celle-ci. Compte tenu des coûts importants de formation et d’accompagnement générés lors d’un tel changement, il importe, par exemple lors d’un marché public, de raisonner en coût total de possession (TCO) plutôt que de choisir le moins disant.

Dire cela, c’est poser la problématique de l’existence d’équipes en capacité d’évaluer la performance des solutions métiers proposées à la communauté éducative sur la base d’indicateurs partagés, du côté de la maîtrise d’ouvrage. Parallèlement, les industriels doivent être à l’écoute de ces évaluations et tout faire pour répondre aux besoins en perpétuelle évolution du système éducatif en lui proposant un outillage performant au service de ses missions.

Les efforts budgétaires réalisés en équipements par les collectivités ces dernières années ont été très importants mais ils doivent aujourd’hui être revisités selon nous, au profit d’investissements plus stratégiques, en particulier ceux concernant les plateformes logicielles et numériques.

Ainsi, serions-nous enclins à reprendre à notre compte, au moins pour partie, la conclusion du dernier rapport de la Cour des comptes sur le numérique éducatif : « La priorité donnée au financement d’équipements individuels pour les élèves s’est vite avérée une politique dépassée et inutilement coûteuse. Absorbant trop de moyens, elle a compromis la réalisation d’investissements dans les infrastructures et les réseaux, indispensables à la connectivité des établissements et des écoles, sans laquelle les usages pédagogiques du numérique ne peuvent pas s’installer ». À ceci près que des efforts conséquents ayant été faits depuis sur les infrastructures, l’effort doit maintenant porter sur les plateformes logicielles sans lesquelles ces infrastructures seraient des tuyaux vides.

Souhaitons que les États généraux du numérique s’emparent aussi de la question.